La double peine des sans-papiers algériens en France
L’épidémie du coronavirus a aggravé l’isolement de très nombreux ressortissants algériens qui séjournent en situation irrégulière dans l’Hexagone. Rendus invisibles par leur statut de sans-papiers, personne ne sait combien ils sont, ni dans quelle situation ils survivent face au confinement.
De Paris : Samia Lokmane-Khelil Liberté, 09-04-2020
La plupart ne travaillent plus et doivent se contenter, pour leurs dépenses quotidiennes, de maigres économies. Le jeune Amir est un de ces nombreux exemples de personnes prises entre l’étau de la condition de sans-papiers et l’enclume de la pandémie. Son témoignage est poignant. Amir n’a presque plus un sou en poche et ne sait pas du tout comment se débrouiller pour se nourrir et payer sa part de loyer. Le confinement en vigueur en France depuis le 17 mars dernier lui a fait perdre son dernier emploi au noir sur un chantier. Et plus personne ne veut lui prêter de l’argent. “Ceux que je connais ne savent pas quand cette crise finira et ont peur de dilapider leurs économies”, avoue le jeune homme de 28 ans.
Sa misère, il la partage avec six colocataires, des Algériens sans papiers comme lui. Jour après jour, le groupe voit son stock de provisions diminuer. Amir et ses camarades d’infortune craignent aussi de se retrouver à la rue s’ils ne parviennent pas à convaincre leur propriétaire de différer le règlement du loyer. “Nous sommes des ombres et personne ne viendra à notre secours si nous sommes expulsés”, déplore-t-il. Arrivé il y a trois ans en France, c’est la première fois qu’il se retrouve dans une telle situation d’extrême précarité. “J’ai toujours travaillé, sur les marchés, dans le bâtiment, la restauration.
“Nous sommes des ombres et personne ne viendra à notre secours si nous sommes expulsés”
Et puis, en cas de coup dur, il y a toujours quelqu’un pour me dépanner”, raconte-t-il. Maintenant, quand il lui arrive de s’aventurer dans la rue, ses connaissances font profil bas. “Certains sans-papiers sont dans une situation pire que la mienne et sont obligés de quémander une cigarette”, confie-t-il. à la question de savoir s’il a essayé de prendre attache avec des organisations françaises d’aide aux migrants pour obtenir une assistance, notre interlocuteur dira : “Franchement, je ne les connais pas car je n’ai jamais eu besoin de les solliciter auparavant”. C’est à l’Adra (Association dirigée par des Algériens) qu’Amir s’est adressé finalement pour recevoir un colis alimentaire. “De quoi tenir quelques jours. Puis, on verra”, dit-il sur un ton plein d’incertitudes.
Avec la privation, il y a aussi le risque de maladie. Amir se demande ce qui adviendra de lui s’il contracte le coronavirus. Il a peur de ne pas pouvoir bénéficier de soins car il ne dispose ni de carte de sécurité sociale ni même d’une AME (Aide médicale fournie par l’Etat français aux migrants irréguliers). “Un compatriote qui a développé des symptômes a été refoulé de l’hôpital car il était incapable de prouver son identité”, fait-il savoir.
Comme beaucoup, Amir a entendu vaguement parler de la demande faite au président Macron par une vingtaine de députés français pour régulariser les sans-papiers et leur permettre d’accéder aux soins. Mais, il n’y croit pas trop. Il craint aussi que les régularisations soient temporaires et se transforment en piège. “Cela va leur permettre de nous identifier et de nous expulser, une fois l’épidémie passée”, dira Amir. Projeté dans l’inconnu, il attend et espère. Son cœur est de l’autre côté de la Méditerranée, à Boufarik où vivent ses parents et ses proches.
Les savoir en quarantaine, dans une zone à risque, l’inquiète beaucoup. “J’ai peur pour eux mais aussi pour tous les Algériens”, révèle le jeune homme. Alors, quand sa famille l’appelle au téléphone, il dit que tout va bien et qu’il ne manque de rien.